Journée mondiale de la santé : Focus juridique sur l’arrêt maladie.

Aujourd’hui c’est la journée mondiale de la santé. Qui dit santé dit également santé au travail. L’occasion pour nous de te parler de la protection de la santé du travailleur. Et plus particulièrement de l’arrêt maladie qui est souvent abordé dans l’actualité. D’ailleurs, dernièrement, le gouvernement a annoncé instaurer à partir du 1er janvier 2024 un arrêt maladie rémunéré sans jour de carence pour une femme ayant subi une fausse couche, à la différence d’un arrêt maladie classique. On te fait un point sur l’arrêt maladie.
La santé ça t’évoque quoi ? Les hôpitaux ? La sécurité sociale ? Oui mais encore ? La santé du salarié. La protection de la santé du travailleur constitue un des grands chantiers du droit social européen et du droit du travail français contemporains. Elle pose de redoutables questions aux juristes dans la mesure où elle se situe au point de contact de normes techniques et de normes juridiques et où elle oblige à dépasser les clivages aussi traditionnels que peu pertinents entre les champs disciplinaires académiques (droit civil et droit du travail, droit du travail et de la sécurité sociale, droit pénal, etc.). La question s’est infiltrée dans tous les domaines du droit du travail et le rôle du juge en la matière s’est avéré déterminant.
En matière d’arrêt maladie, la jurisprudence est riche, on ne va pas se mentir. Souvent l’objet d’un lourd contentieux, les juges doivent régulièrement se prononcer sur l’étendue des droits des salariés dans le cadre de leur arrêt maladie.
En effet, la maladie du salarié ne rompt pas le contrat de travail mais en suspend seulement l’exécution, en ce sens que chacune des parties est provisoirement déliée de son obligation principale : l’employeur n’a plus à fournir du travail au salarié, le salarié n’a plus à exécuter sa prestation de travail. Le salarié reste tenu d’une obligation de loyauté à l’égard de son employeur. Il doit donc normalement s’abstenir de travailler pendant l’arrêt de travail mais la jurisprudence s’est assouplie sur ce point. Elle estime désormais que le fait de travailler pendant l’arrêt de travail n’est plus en soi un manquement à l’obligation de loyauté et ne justifiera une sanction disciplinaire ou un licenciement que si l’activité du salarié cause un préjudice à l’entreprise (Cass. soc., 26 févr. 2020, no 18-10017). Tel sera le cas lorsque le salarié se livrera à une activité concurrente (Cass. soc., 23 nov. 2010, nº 09-67429).
Peut-on faire du sport pendant un arrêt maladie ?
Par un arrêt en date du 1er février 2023, (Cass. soc. 1-2-2023 n° 21-20.526 F-D) les juges ont considéré que le salarié en arrêt maladie qui avait participé à 14 compétitions de badminton, ne constitue pas en lui-même un manquement à l’obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de cet arrêt. Donc oui on peut tout à fait participer à une compétition sportive pendant son arrêt maladie.
Et alors, si on a le droit de faire du sport pendant un arrêt maladie, est ce qu’on a le droit de faire grève ?
Aux termes de l’article L323-6 du code de la sécurité sociale, le service de l’indemnité journalière est subordonné à l’obligation pour le bénéficiaire « de s’abstenir de toute activité non autorisée » et le non-respect de cette obligation peut entraîner la restitution à la Caisse de tout ou partie des indemnités versées correspondantes. Par un arrêt de la Chambre sociale de la Cour de Cassation en date du 1er mars 1972, les juges ont considéré que le salarié tombé malade au cours d'une grève à laquelle il participe, continue à être considéré comme gréviste. Ainsi, l'indemnité prévue par la convention collective n'est pas due au salarié. En revanche dans un autre arrêt de la chambre sociale de la Cour de Cassation en date du 20 février 1980, les juges ont pu considérer que le salarié tombé malade avant la grève avait droit aux indemnités conventionnelles.
Peut on être licencié alors qu’on est en arrêt maladie ?
Lorsque l’arrêt de travail se prolonge ou en présence d’absences répétées pour cause de maladie, l’employeur ne peut ni invoquer la force majeure ni prendre acte de la rupture du contrat. Tout au plus pourra-t-il, sous de strictes conditions, envisager d’engager une procédure de licenciement. Il faut en premier lieu que l’employeur apporte la preuve que le fonctionnement de l’entreprise est effectivement perturbé. Il faut en deuxième lieu que le trouble engendre la nécessité du remplacement définitif du salarié par un contrat à durée indéterminée. Ainsi, le recours à une entreprise prestataire de services ne peut caractériser le remplacement définitif du salarié. Ce remplacement définitif du salarié doit être réalisé dans un délai raisonnable après le licenciement.
Cette possibilité de rompre le contrat sera même écartée si l’arrêt de travail trouve son origine dans un accident du travail ou une maladie professionnelle puisqu’en pareil cas, l’article L. 1226-9 du Code du travail n’autorise la rupture du contrat que pour faute grave ou impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie. Or la jurisprudence interprète très restrictivement ces possibilités données à l’employeur de rompre, ce qui revient à considérer que la période de suspension est ainsi sanctuarisée. En effet par un arrêt Cass. soc., 20 févr. 2019, no 17-18912 publié, les juges rappellent néanmoins qu’une violation de l’obligation de loyauté maintenue pendant la suspension peut constituer une faute grave autorisant la rupture du contrat.
On rappelle que l’arrêt maladie est obligatoirement délivré par un médecin. En effet, un phénomène majeur a fait son apparition avec l’émergence des réseaux sociaux. De plus en plus de faux arrêts maladie sont délivrés par des escrocs sur Snapchat. Une pratique en hausse avec des sanctions lourdes pour les deux parties qui risquent pour faux et usage de faux prévu par les articles 441-1 et 441-2 du code pénal jusqu'à trois ans de prison et jusqu'à 45.000 euros d'amende.
Quelques chiffres : En 2022, 42% des salariés se sont ainsi vu prescrire un arrêt maladie (contre 36% en 2020 et 38% en 2021), selon Malakoff Humanis. Les jeunes sont les plus concernés, 46% des arrêts maladie proviennent des 18-34 ans, tandis que les plus de 50 ans sont à l’inverse sous-représentés (34%).
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