10 avr 14:08

Scream sous le prisme du droit pénal français

Pour tous les étudiants

Scream VI vient de sortir et c’est déjà un succès. Révolution du cinéma d’horreur par Wes Craven avec le premier opus en 1996 qui relance l'intérêt du public pour le genre slasher, la saga Scream fascine autant qu’elle effraie. Mais as-tu déjà regardé ces films en te demandant ce que risquent les protagoniques juridiquement ? Nous oui. C’est pour ça qu’on a décidé d’en parler sous l’œil du droit français.

Scream c’est quoi ? Du sang. Mais encore ? Un masque « ghost face » qui réussit à effrayer n’importe qui aujourd’hui. Et pour cause, celui qui le porte finit toujours par tuer une multitude de personnes sous couvert de vengeance, de paranoïa ou de sombres mobiles pas toujours bien compréhensibles. Dans ce dernier volet de la saga, le tueur au masque tue (sans grande surprise) de sang-froid différentes personnes avec différentes armes, parfois même devant la présence de témoins. Tu peux lire ces lignes sans crainte, nous ne te spoilerons pas. Si c’était la réalité, et en France, le tueur serait coupable de meurtre, appelé également homicide volontaire. Prévu par l’article L221-1 du code Pénal, c’est « le fait de donner volontairement la mort à autrui constitue un meurtre. Il est puni de trente ans de réclusion criminelle. ». Pour que le meurtre soit constitué il faut un élément matériel, à savoir un comportement actif ainsi qu’un résultat (la mort) et un élément moral (qu’on appelle également animus necandi), c’est-à-dire la volonté de donner la mort. On se doute bien que le tueur de Scream ne poignarde pas quelqu’un sans avoir l’intention de le tuer. Mais juridiquement comment on prouve l’élément moral ? La preuve de l’intention se déduit généralement de l’étude du comportement de l’auteur, c’est-à-dire de l’élément matériel. Ainsi, des coups de feu qui visent des régions vitales du corps (coeur, thorax) prouvent l’intention de tuer (Cass. crim., 8 janv. 1991, nº 90-80075 : Bull. crim., nº 14). De même, entraînent également la qualification de meurtre des coups de couteau à longue lame, portés sciemment au niveau du thorax (Cass. crim., 15 mars 2017, nº 16-87694).

Le meurtre est réprimé de 30 ans de réclusion criminelle, auxquels peuvent s’ajouter les peines complémentaires édictées aux articles 221-8, 221-9 et 221-9-1. Cette répression peut être aggravée à la réclusion criminelle à perpétuité notamment en cas d’assassinat ou de concomitance avec une autre infraction. Je sais ce que tu te dis. Le tueur au masque ne se contente pas de tuer une personne mais bien plusieurs. C’est vrai ! 

L’assassinat c’est le meurtre avec préméditation ou guet-apens (C. pén., art. 221-3, al. 1er). Il faut donc caractériser soit la préméditation, c’est-à-dire le dessein formé avant l’action (C. pén., art. 132-72), soit le guet-apens, c’est-à-dire un acte d’embuscade, qui se caractérise par le fait d’attendre pendant un certain temps la victime, en se cachant par exemple, afin qu’elle tombe dans le « piège » ainsi tendu (art. 132-71-1). Quant à la concomitance du meurtre avec une autre infraction, prévue par l’article 221-2 aggrave la répression d’une part lorsque le meurtre précède, accompagne ou suit un autre crime, et d’autre part lorsque le meurtre a pour objet soit de préparer ou de faciliter un délit, soit de favoriser la fuite ou d’assurer l’impunité de l’auteur ou du complice d’un délit. GhostFace risque donc la perpétuité pour assassinat ou bien concomitance du meurtre avec une autre infraction. Et pour les témoignages on peut toujours compter sur Gale ou Sidney, et plus récemment Sam et Tara.

Et d’ailleurs concernant ces 4 guerrières des temps modernes, Sidney étant absente du dernier film, qu’en est-il à chaque fois qu’elles tuent le meurtrier pour se défendre ? Peut on parler de légitime défense ? Qu’est-ce que c’est d’ailleurs ? Ça fait beaucoup de questions mais on va y répondre.  Cicéron, 100 ans avant J.-C., le considérait déjà en son temps comme un droit naturel. Aujourd’hui la légitime défense est prévue par les articles 122-5 et 122-5 du code pénal. L’article 122-5 dispose ainsi « N’est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d’elle-même ou d’autrui, sauf s’il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l’atteinte. N’est pas pénalement responsable la personne qui, pour interrompre l’exécution d’un crime ou d’un délit contre un bien, accomplit un acte de défense, autre qu’un homicide volontaire, lorsque cet acte est strictement nécessaire au but poursuivi dès lors que les moyens employés sont proportionnés à la gravité de l’infraction. »
Autrement dit concernant l’agression, il faut tout d’abord que celle-ci revête les caractères injuste et actuel. Ce dernier caractère temporel permet de distinguer la résistance de la vengeance. L’agression doit être actuelle, c’est-à-dire commise, en train de se commettre ou imminente. Ce qui est le cas quand Ghostface attaque Gale, Sidney, Sam ou Tara. Quant à l’objet de l’agression il doit concerner la défense de soi même ou d’autrui. Sont visées ici tant la défense de sa propre intégrité physique que celle d’autrui. Le corps est menacé, il y a danger physique. On se protège soi-même ou l’on vient au secours d’autrui.

Concernant la réaction de la défense, elle doit être nécessaire et proportionnée à l’agression. Même si le doute persiste toutefois quant à savoir si cette défense doit être absolument volontaire, intentionnelle, il va de soi que Gale, Sidney, Sam ou Tara ne réagissent que par nécessité et proportionnellement à l’attaque physique qui leur est faite. En tant que spectateur on peut en témoigner. N’est-ce pas ? 

Dernier point : les appels de menace sans cesse et menaçant. « Tu aimes les films d’horreur ? »  « Qu’est-ce que vous voulez ? - Voir la couleur de tes tripes. », autant de dialogues devenus cultes mais qui tombent aussi sous le coup de la répression pénale. Oui, c’est une infraction. En effet, l’article 222-16 condamne les appels téléphoniques malveillants réitérés ainsi que les envois réitérés de messages malveillants émis par la voie des communications électroniques. Ils nécessitent la réunion de trois éléments, les deux premiers constituant l’élément matériel (à savoir le moyen de communication et la réitération du comportement), le troisième caractérisant l’élément moral, à savoir la malveillance. Ces faits sont punis d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Pas sûr que ça effraie le tueur de Scream... Mais tout de même !

Voilà, maintenant tu peux te refaire toute la saga Scream avec le code pénal dans la tête et sous un nouveau regard de juriste. Et si tu veux en apprendre plus sur le droit pénal, tu peux de procurer l’ouvrage de droit pénal spécial de la collection Mémentos chez Gualino ou celui de droit pénal général de la collection manuels chez LGDJ

 

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