30 oct 10:04

Culture pop : Wedding nightmare sous le prisme du droit français

Pour tous les étudiants

Halloween se prépare et pour se mettre dans l’ambiance on a tendance à regarder des films d’horreur. Il en existe de toute genre : slasher, found footage, monstre, exorcismes, gore, clowns… Mais connais-tu le film Wedding nightmare (« Ready or not » aux Etats-Unis) ? Scénario original au succès planétaire, on s’est amusé à décrypter juridiquement (sous le regard du droit français) ce film qui dissuadera peut être certains d’entre vous de se marier… Ou pas.

Tout d’abord laisse-moi te raconter le synopsis. Une jeune mariée nommée Grace rejoint à la famille riche et excentrique de son nouveau mari, Alex Le Domas. Il existe une tradition ancestrale où la nouvelle arrivée doit tirer une carte au sort pour jouer un jeu. Elle tire la carte du jeu de cache-cache. Le jeu se transforme en un jeu de cache-cache mortel déterminé par un tirage au sort au cours duquel tous luttent pour leur survie. Le film pose plusieurs problématiques : celle de la légitime défense d’abord, mais également celle de la force majeure, de l’homicide et des questions de droit des régimes matrimoniaux. 

 - Attention spoiler -

Par où commencer ?

Le droit de la famille est tout comme le droit pénal omniprésent dans ce film qui commence comme une comédie romantique et tourne rapidement à l’horreur. La famille Le Domas s’est adonnée à une étrange, pour ne pas dire surnaturelle, tradition pour conserver sa fortune et ses privilèges. L’héritage familial repose sur un obscur pacte conclu avec Mr. Le Bail, le diable. La tradition veut donc qu'un nouvel arrivant dans la famille se prête à un jeu au hasard. Malheureusement pour notre jeune mariée elle va choisir le jeu de cache-cache qui est le jeu le plus meurtrier. 

Grace s’est donc mariée à Alex Le Domas, sans savoir ce qui allait lui arriver, et sans connaitre les traditions familiales. Et en même temps pas sûr qu’elle l’aurait fait si elle en avait eu connaissance. L’article 146 du code civil dispose que « Il n'y a pas de mariage lorsqu'il n'y a point de consentement. » Ainsi un consentement vicié d’une des parties peut provoquer l’annulation du mariage. Parmi les vices du consentement on peut citer le dol prévu à l’article 1137 du code civil qui dispose « (…) Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie. » Grace pourrait demander l’annulation du mariage comme prévu par l’article 180 du code civil. La procédure d’annulation est rétroactive. Elle affecte la validité même du mariage et ce dernier sera réputé ne jamais avoir existé et les partenaires se retrouveront alors dans la même situation que s’ils n’avaient jamais été mariés. 

Restons dans le droit des régimes matrimoniaux. L’article 212 du code civil dispose que « Les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance. » Est-ce que Alex Le Domas a respecté ses obligations conjugales en essayant de tuer sa femme pour respecter la tradition familiale ? La réponse est non. 

L’article 220-1 du code civil permet dès lors de faire appel au juge. Il subordonne l’intervention judiciaire à la réunion de trois conditions cumulatives : elle suppose « qu’un époux manque gravement à ses devoirs », qu’en cela il mette « en péril les intérêts de la famille » et enfin que l’atteinte à ces intérêts requière des « mesures urgentes ». En l’espèce toutes les conditions sont réunies pour que Grace puisse demander une intervention judiciaire. Le juge pourrait ainsi « prescrire toutes les mesures urgentes que requièrent ces intérêts » en péril. Ainsi, le législateur offre le plus grand choix de mesures au juge saisi. Je sais ce que tu te dis. Saisi dans le cadre d’une crise conjugale, le juge est-il habilité à décider, sur le fondement de l’article 220-1, de mesures extrapatrimoniales ? La question est objet de controverse.

La lettre du texte ne l’interdit certainement pas et des juridictions du fond ont pu s’orienter dans cette voie. Il reste que le juge ne saurait être autorisé à s’immiscer dans la vie des ménages. L’article 220-1 ne doit lui permettre, ni de porter atteinte à une règle de fond étrangère au droit des régimes matrimoniaux27, ni de porter atteinte à une liberté individuelle.
De ce fait, et vu la situation, Grace n’a aucun intérêt à réfléchir aux devoirs non accomplis de son époux, ou bien à la nullité de son mariage, et encore moins à l’intervention du juge, vu que sa belle-famille dont son mari, meurt. 

Et côté droit pénal ça donne quoi ? 
La pauvre Grace se retrouve traquée par une famille de psychopathes qui a noué un pacte avec le diable et dont chaque membre est prêt à tout pour la tuer la pauvre mariée. On est sur une tentative de meurtre du côté de la famille, mais du côté sur de la légitime défense pour Grace qui tente n’essaie rien d’autre que de sauver sa vie et de se défendre par tout moyen. Mais comment invoque-t-on et prouvons-nous la légitime défense en droit français ? 
Il est fut toujours admis que dans les situations d’urgence où la sécurité des personnes (voire celle des biens) ne peut pas être assurée par les moyens habituels de la justice et de la police, celui qui se défend ne fait que remédier à l’insuffisance de ces moyens et ne commet donc pas d’actes contraires au droit.

Il y a tout d’abord Les caractères injuste et actuel de l’agression. Si l’acte d’agression est justifié, la défense ne peut être regardée comme légitime et ne peut donc fonder la justification. Pour être légitime, la défense doit, en outre, être accomplie « dans le même temps » que l’agression. L’exigence est imposée par le code. Cette condition temporelle permet de distinguer utilement la résistance de la vengeance. L’agression doit être actuelle, c’est-à-dire commise, en train de se commettre ou imminente. Ce qui est le cas en l’espèce.

Quant à l’objet de l’agression, pour l’opinion publique, la légitime défense concerne d’abord et avant tout la défense des personnes. On se protège soi-même ou l’on vient au secours d’autrui. Si l’état de légitime défense suppose la nécessité (actuelle) de se défendre, il n’impose nullement qu’il y ait péril de mort. Selon les dispositions de l’article 122-5 du Code pénal : « N’est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d’elle-même ou d’autrui sauf s’il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l’atteinte ». Là encore, la condition relative à l’objet est amplement remplie.

Concernant les conditions tenant à la réaction : la défense doit être nécessaire et proportionnée « Un acte commandé par la nécessité », énonce le code. La personne agressée n’a pas pu faire autrement que de commettre à son tour une infraction pour se soustraire au danger. A noté que la jurisprudence a estimé que la proportionnalité ne s’appréciait pas au regard du résultat de l’acte de défense. 

Selon les dispositions de l’article 122-6 : « Est présumé avoir agi en état de légitime défense celui qui accomplit l’acte :
1º Pour repousser de nuit, l’entrée par effraction, violence ou ruse dans un lieu habité ;
2º Pour se défendre contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence ».

La personne qui invoque dans ces situations la légitime défense est donc dispensée de prouver (« est présumé » dit le texte) tant les caractères actuel et injustifié de l’agression que la nécessité et la juste mesure de la riposte. Mais Grace ne se trouve dans aucun des cas mentionnés par l’article 122-6 du code pénal. Elle aura donc la charge de la preuve.

A ne pas confondra avec l’état de nécessité, On évoque l’état de nécessité lorsqu’un individu menacé d’un mal imminent ne peut échapper à ce mal qu’en commettant une infraction. À la grande différence de la légitime défense où la victime de l’infraction est un agresseur, dans l’état de nécessité la victime est un tiers innocent qui voit son propre intérêt sacrifié au profit d’un autre intérêt jugé, sur le moment, supérieur.

Mais la famille Le Domas pourrait-elle invoquer la contrainte exercée par le diable pour se donner à cette manifestation de violence ? Encore faut il que cette contrainte existe. En effet l’article 122-2 du nouveau code : « N’est pas pénalement responsable la personne qui a agi sous l’empire d’une force ou d’une contrainte à laquelle elle n’a pu résister ». La contrainte physique ou simplement morale. Elle doit revêtir différents caractères, à savoir, l’irrésistibilité et l’imprévisibilité. Pour cette dernière la contrainte ne doit pas avoir été précédée d’une faute commise par celui qui l’invoque. Ce qui en l’espèce n’est pas le cas, puisque la famille Le Domas a fait un pacte avec le diable et en a accepté les conséquences. Tout porte à croire que cette argument pourrait être refusé par le juge. 

Et le trouble psychique ? Ils pourraient, s’il l’un d’eux s’en était sorti, invoquer les deux alinéas de l’article 122-1 du Code pénal. Selon le premier : « N’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes ». Et le second alinéa de poursuivre : « La personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable ; toutefois, la juridiction tient compte de cette circonstance lorsqu’elle détermine la peine et en fixe le régime ».

Bref, c’est un bon film d’horreur, qui n’a certes rien de réaliste, mais c’est pour ça qu’on l’aime. En même temps on regarde une fiction, non un cas pratique de droit. Si tu veux en savoir plus sur les régimes matrimoniaux, n’hésite pas à te procurer l’ouvrage Droit des régimes matrimoniaux par Rémy Cabrillac de la collection Précis Domat aux éditions LGDJ. Quant au droit pénal, n'hésite pas à consulter l'ouvrage de droit pénal général par Laurence Leturmy, Patrick Kolbde la collection Carrés Rouge aux éditions Gualino.