Barbie : Amour, Droit et beauté ou l’histoire judiciaire de la célèbre poupée de Mattel

Célèbre poupée de la marque Mattel, Barbie s’est imposée comme une référence du jouet et une figure emblématique depuis 70 ans. Ayant évoluée à travers les époques, elle a su s’adapter aux codes et devenir plus proche de la société et plus inclusive. Elle devient même la vedette d’un film avec Margot Robbie pour l’incarner. A cette occasion on te raconte le parcours de Barbie au tribunal et de ses déboires judiciaires avec notamment la célèbre guerre Mattel vs MGA Entertainment, mais pas que…
Mattel a commencé à écrire son histoire judiciaire avec Barbie à partir des années 60 par un procès à son encontre pour avoir copié Bild Lilli. Ca ne te dit peut être rien (et c’est normal) mais à l’époque c’était une poupée allemande des années 50 (principalement destinée aux adultes) qui a été elle-même inspirée par un comic strip publié dans le quotidien hambourgeois Bild (signifiant « image », en allemand). Mais l’histoire continue avec d'autres poursuites pour fraude financière, contre Ruth Handler (femme du co-fondateur de Mattel et présidente du groupe à l’époque) dans les années 70, qui a conduit à sa démission du groupe de jouet. Mattel s’est ensuite livré à une véritable guerre juridique contre quiconque utilisant le nom Barbie. Ça a été le cas de Tom Forsythe, un photographe américain, avec son projet Food Chain Barbie. Il s’agissait d’une série de photographies représentant les poupées Barbie nues, associées à des appareils ménagers et mises en situation périlleuse afin, selon l’artiste, de fustiger le mythe de la beauté conventionnelle ainsi que les concepts de société d’idéal féminin et de femme-objet.
Puis la société a décidé de poursuivre le label du groupe de musique Aqua pour la célèbre chanson des années 90 « I'm a Barbie Girl ». En effet ce tube des années 90 n’a pas plu au propriétaire de Barbie qui a accusé le label d’avoir : “comparé Barbie à un objet sexuel”, une association qui : “nuit à l’image de marque et l’identité visuelle” de la célèbre poupée. Le succès du titre a: “parasité les plans et la stratégie commerciale de la marque Barbie”. Débouté en 1re instance, Mattel s’est tourné vers la Cour suprême qui ne lui a pas donné raison non plus.
9 janvier 1990 : La propriété d'une marque ne donne pas tous les droits et surtout pas celui de trainer systématiquement ceux qui l'utilisent sur les bancs d'un tribunal. C’est ce qu’a indiqué la trente et unième chambre correctionnelle de Paris le 9 janvier 1990. Pour l'avoir ignoré, la société Mattel a dû verser 60000 francs de dommages et intérêts à la chanteuse Lio et 30000 francs de dommages et intérêts (oui, à l’époque c’était en francs) à M. Michel Esteban, producteur de ses chansons, afin de réparer le préjudice créé par une poursuite abusive. Mais pourquoi Mattel a-t-il poursuivi Lio et son producteur ? La société Polygram a distribué un 33-tours et un 45-tours à la fin de l'année 1986 sur lesquels était gravée notamment une chanson écrite par Jacques Duval, interprétée par Wanda di Wasconcelos, dite "Lio", et ayant pour titre Barbie. Mais ce que n’a pas apprécié le propriétaire de la poupée c’est qu’ils n’avaient pas "hésité à reproduire et diffuser la marque Barbie en racontant la déchéance de la poupée Barbie qui finit par se suicider".
Juillet 2008 : Le numéro un mondial du jouet Mattel a remporté une première victoire dans le procès pour violation de propriété intellectuelle qui l'oppose à MGA Entertainment. Mais c’est une première manche du combat qui oppose les deux géants du jouet. Le tribunal californien a donné raison au fabricant de Barbie, qui accusait un de ses anciens collaborateurs, Carter Bryant, d'avoir conçu les poupées Bratz, fers de lance de MGA, alors qu'il était encore en contrat chez Mattel en 2000. La cour a également jugé que Isaac Larian, directeur général de MGA, était responsable de s'être approprié les droits de propriété intellectuelle de la poupée, que la société a commencé à commercialiser en 2001. MGA est condamnée à verser 100 millions de dollars à son rival.
Juillet 2010 : Sans grande surprise, MGA fait appel et, retournement de situation : le premier jugement est cassé, et la justice donne raison à MGA. "Mattel ne peut pas revendiquer le monopole sur les poupées à la mode avec un look ou une attitude d'ado", estiment les juges. En effet la Cour d’appel des États-Unis d’Amérique casse la décision du tribunal de première instance et annule la fiducie judiciaire et l’injonction.
Le contrat de travail liant M. Bryant à la société Mattel stipulait ce qui suit : “J’accepte de communiquer à la Société, de manière aussi rapide et complète que possible, toute invention créée ou mise en pratique par moi-même (seul ou en collaboration avec des tiers) pendant toute la durée de mon contrat de travail avec la Société. Je cède à la Société… tous mes droits sur ces inventions et tous mes droits en termes de brevets, droits d’auteur et demandes de brevet ou droits d’auteur fondés sur ces dernières.”
Le contrat précisait par ailleurs que “le terme ‘inventions s’entend, de manière non exhaustive, de toutes les découvertes, améliorations, procédés, évolutions, dessins, savoir-faire, données, programmes informatiques et formules, qu’ils soient brevetables ou non”.
En lisant ces termes, on aurait pu interpréter le contrat de travail de M.Bryant comme couvrant les idées, des éléments probants ayant été apportés selon lesquels il était communément admis dans l’industrie que le terme invention englobait effectivement les idées. Cependant, contrairement aux contrats signés par d’autres employés du groupe Mattel, qui stipulaient expressément que les idées étaient cédées à la société, le contrat de M. Bryant ne contenait pas de clause de ce type. Au regard de cette ambigüité, le tribunal de première instance a commis une erreur en déclarant en 2008 que les idées étaient clairement couvertes par le contrat.
Aout 2011 : Le tribunal de Santa Ana a intimé l'ordre à Mattel de verser 310 millions de dollars (215 millions d'euros) à MGA.
24 janvier 2013 : la cour d’appel de San Francisco a annulé cette dernière condamnation mais a maintenu le versement de 137,8 millions de dollars au titre des frais d’avocats. Le motif ? La plainte pour espionnage industriel n’aurait pas dû être traitée en même temps que celle des droits d’auteur sur la poupée.
En mars 2018, l’entreprise Mattel sort Barbie à l’effigie de l’artiste Frida Kahlo. Cette poupée a été au cœur d’une bataille juridique entre la Frida Kahlo Corporation (FKC créé par la nièce de Frida Kahlo) et les héritières de la peintre mexicaine. Le tribunal de Floride, avait été saisie de l’affaire mais il a rejeté l’affaire, prétextant que “l’intérêt de la Floride dans cette histoire est minime, considérant que les deux parties sont originaires de Mexico City”. L’affaire juridique s’est poursuivie au Mexique.
Outre ces célèbres affaires, Mattel protège Barbie mieux que personne devant les tribunaux, qui fait malheureusement souvent l’objet de pratiques commerciales trompeuses, de violation de droits d’auteur et de contrefaçons.