16 Août 11:12

Jurisprudence américaine insolite

Pour tous les étudiants

La justice américaine est quelques fois ce que la télé-réalité est à la télévision : surprenante, intrigante et parfois ridicule. Les requérants n’hésitent souvent pas à mobiliser la justice et demander des millions de dollars de dommages et intérêts pour des situations grotesques. Ce qui donne lieu à des décisions insolites dont on te dresse une petite liste de nos préférées. En France ce genre de décisions est plus rare. D’abord parce que nous n’avons pas le même rapport avec la justice, mais aussi parce qu’il existe la notion d’abus de droit qui sanctionne l’exercice d’un droit de manière déraisonnable, disproportionnée ou malveillante, en dehors de ses finalités, qui porte atteinte aux intérêts d’autrui ou à l’ordre public.

L'affaire Liebeck v. McDonald's Restaurants (1994) : la célèbre affaire de la la femme qui a poursuivi McDonald's après s'être brûlée en renversant du café chaud sur elle-même. Tout commence en février 1992, Stella Liebeck, une femme de 79 ans de Santa Fé (Nouveau-Mexique), accompagnée de son petit-fils, achète un gobelet de café au Mc Drive du McDonald's d'Albuquerque. Mais en voulant rajouter du lait et du sucre, le café brûlant se répand sur ses vêtements en coton, ses genoux, ses cuisses, son entrejambe, son aine, ses fesses et le siège de voiture. Le café resté au contact de sa peau pendant plus de 90 secondes, la brûle au deuxième degré sur 16 % de sa peau et au troisième degré sur 6 %. Le procès fait suite au refus de la firme de rembourser une partie des frais médicaux de la victime. Le jury accorde à Stella Liebeck en dédommagement 2,9 millions de dollars qui seront réduits par le juge à 640 000 dollars. Les deux parties font appel et finiront par se mettre d'accord hors tribunal sur une somme dont le montant est resté secret. 

L'affaire Pearson v. Chung (2007) : C’est une histoire de pressing et de pantalon. Ça peut faire sourire comme ça mais, l’affaire a fait couler beaucoup d’encre et suscité de nombreuses réactions. Juge de formation, Pearson a poursuivi en justice Custom Cleaners, une entreprise de nettoyage à sec de Washington, demandant plus de 67 millions de dollars de dommages-intérêts (rien que ça !) pour la perte de son pantalon. Selon lui, le pantalon faisait partie de plusieurs costumes qu’il avait apporté à l’entreprise pour y être nettoyés en mai 2005. Lorsque Pearson a réclamé l’un de ses costumes deux jours plus tard, le pantalon était manquant. Pearson demanda alors d’être remboursé du prix d’achat du costume, soit 1 000 $. Les propriétaires de la laverie refusèrent et indiquèrent avoir retrouvé ledit pantalon une semaine plus tard. Pearson nia que ce pantalon fût le sien. Et s’ensuit alors une bataille judiciaire. Le 30 mai 2007, Pearson réduit ses exigences à 54 millions de dollars de dommages-intérêts comprenant notamment 500 000 dollars de frais d’avocat, 2 millions de dollars pour la peine causée, et 15 000 dollars pour louer une voiture chaque week-end pour se rendre à un autre service de nettoyage. Face à ses demandes disproportionnées, la juge Judith Bartnoff de la cour supérieure de Washington rendit son verdict en juin 2007 en faveur des propriétaires de l’entreprise de nettoyage et leur octroya 1 000 $ pour les frais de justice.

L'affaire Stambovsky v. Ackley (1991) : Cette affaire a été surnommée "l'affaire de la maison hantée". L'acheteur d'une maison a poursuivi le vendeur pour ne pas lui avoir révélé que la maison était réputée hantée. En effet il était de notoriété publique que cette maison était hantée. Mme Ackley avait rapporté antérieurement dans des journaux locaux et nationaux la présence de fantômes dans sa maison, mais n’avait jamais divulgué ce fait à M. Stambovsky. Mme Ackley a réfuté cet argument en faisant valoir que les fantômes n’existent pas et que l’allégation de maison hantée ne pouvait être un motif justifiant la résiliation du contrat. La Cour d'appel de l'État de New York a statué en faveur de l'acheteur, affirmant que la réputation de hantise de la maison était un défaut matériel en ces termes : « Que les sources des apparitions spectrales observées par le vendeur défendeur soient parapsychologiques ou psychologiques, ayant rapporté leur présence à la fois dans une publication nationale (Readers' Digest) et dans la presse locale (en 1977 et 1982 respectivement), le défendeur est empêché de nier leur existence et, en droit, la maison est considérée comme hantée.

Arturo Carvajal vs Houston’s Restaurant, dite aussi l’affaire de l’artichaut. Oui tu as bien lu, on parle bien d’artichaut. Arturo Carvajal, médecin s’est rendu dans un restaurant en 2009 pour y déguster un artichaut. Le pauvre homme en mangeait pour la première fois et a mangé intégralement le légume. Il a fini à l’hôpital et en plus des problèmes digestifs que lui a causé ‘l’ingestion de la totalité de l’artichaut, il a indiqué souffrir : "d’invalidité, de défiguration, d’angoisse mentale" et "perte de capacité à profiter de la vie." Il décide alors d’attaquer le restaurant pour négligence en invoquant le fait que le serveur aurait dû le prévenir.

Amanda Ramirez contre Kraft Foods : On a peut-être tous remarqué que le temps de cuisson des pâtes n’est pas toujours celui indiqué sur le paquet. Mais il suffit de gouter pour adapter le temps de cuisson. Enfin, c’est ce que font les gens normalement. Mais pas Amanda Ramirez qui n’a pas supporté que le temps excédait les trois minutes et trente secondes, pourtant promises sur l'emballage. Elle a donc décidé de poursuivre la marque Kraft Heinz Foods Company en novembre 2022 et réclame plus de 5 millions d'euros de dédommagement. Le procès ne s’est pas encore tenu, mais les réactions n’ont pas été tendres avec la plaignante jugeant toute cette procédure ridicule.

Le cambriolage qui tourne mal. C’est l’affaire Terrence Dickson, de Bristol (Pennsylvanie) : Il quittait une maison qu’il venait de cambrioler, en passant par le garage. Il n’est pas parvenu à ouvrir la porte car le système d’ouverture automatique était en panne à ce moment-là et il n’a pu pénétrer à nouveau dans la maison. En effet, la porte d’accès entre le garage et la maison s’était verrouillée lorsqu’il l’avait refermée. La famille était en vacances : M. Dickson s’est retrouvé enfermé dans le garage durant huit jours avec pour seuls vivres une caisse de Pepsi et un sac de croquettes pour chien. Il a poursuivi la compagnie d’assurances du propriétaire du logement, faisant valoir que cette situation l’avait plongé dans de terribles angoisses. Le jury lui a donné gain de cause et octroyé 500 000 dollars estimant que même si l'acte initial de Dickson était illégal, la compagnie d'assurance avait l'obligation contractuelle de fournir une indemnisation en vertu de la police d'assurance. Dickson a été indemnisé pour sa détresse émotionnelle et le préjudice subi.

Kara Walton vs Boîte de nuit : Il s’agit d’un procès qui montre le côté parfois ridicule de la justice américaine. Qui n’a pas voulu un jour échapper au tarif d’entrée d’une boite de nuit ? C’est ce qu’a voulu faire Kara Walton. Elle a tenté de se faufiler par la fenêtre pour éviter de payer les 3,50 dollars d’entrée et elle est tombée du haut d’une fenêtre des toilettes pour dames. Elle s’était cassé deux incisives et a donc logiquement poursuivi les propriétaires du club qui ont été condamnés à lui verser 12 000 dollars de dédommagement, en plus des frais dentaires.

L'affaire Kathleen Robertson (2000) : Kathleen Robertson est une jeune mère de famille texan qui arpente les allers d’un magasin de meubles. Jusque-là tout va bien. Mais au détour d’un canapé et d’une table basse, elle trébuche sur un enfant en bas-âge et se foule la cheville. Le drame, pour elle, mais aussi pour le pauvre gosse qui n’a rien demandé. Il n’en fallait pas moins pour Kathleen pour intenter un procès contre les propriétaires du magasin. Le jury a fait droit à sa demande et a condamné les propriétaires à payer la somme de 780 000 dollars à Mme Robertson pour le préjudice subi alors que…… l’enfant en bas âge n’était autre que le fils de cette dernière. 

L’affaire Amber Carson. Mme Carson se dispute avec son petit ami dans un restaurant de Philadelphia en mai 2000. Elle finit par lui a envoyé en pleine tête son soda. Un vrai drama. Mais cette dernière glisse ensuite sur ce même soda avant de se casser le coccyx. Tu vois la suite arriver ? Amber a poursuivi le restaurant qui a été condamné à lui 113 500 $ à titre de réparation du préjudice et pour couvrir les frais médicaux. Tu sais ce qu’il te reste à faire à ta prochaine dispute…

United States ex rel. Gerald Mayo v. Satan and His Staff. Tu pensais avoir tout vu ? Détrompe-toi. Dans cette affaire datant de 1971, un prisonnier a intenté une action en justice contre Satan et ses serviteurs devant le tribunal de district des États-Unis. Selon le demandeur, Gerald Mayo, « Satan a à de nombreuses reprises causé sa misère et des menaces injustifiées, contre sa volonté », mais « a également placé des obstacles délibérés sur son chemin et causant sa chute», affirmant que Satan l'avait donc « privé de ses droits constitutionnels » en violation du Code des États-Unis. Heureusement le tribunal a rejeté l'affaire mais principalement pour une question d’exigences nécessaires à la signification des actes de procédure.

Et toi, quelle affaire t’as le plus marqué ?