Les ordonnances du juge de la mise en état statuant sur une exception de procédure ont autorité de la chose jugée
Pour les étudiants en

Nicolas Hoffschir, maître de conférences, université d'Orléans, Centre de recherche juridique Pothier - © Lextenso 2020 (à retrouver dans la Gazette du Palais du 28 avril 2020, en accès libre et gratuit via votre ENT)
Les ordonnances du juge de la mise en état ont autorité de la chose jugée au principal lorsqu’elles statuent sur une exception de procédure, qu’elles l’accueillent ou la rejettent. La jurisprudence de la Cour de cassation est aujourd’hui bien fixée.
Cass. 2e civ., 9 janv. 2020, n° 18-21997, Syndicat des copropriétaires de la résidence et a. c/ Mutuelle des architectes français et a., PB (cassation CA Douai, 5 avr. 2018), M. Pireyre, prés. ; SCP Didier et Pinet, SCP Boulloche et SCP Rousseau et Tapie, av.
Il est bien connu que, dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile, l’article 775 du Code de procédure civile énonce que « les ordonnances du juge de la mise en état n'ont pas, au principal, l'autorité de la chose jugée à l'exception de celles statuant sur les exceptions de procédure et sur les incidents mettant fin à l'instance ». La formulation alambiquée de ce texte ne pouvait pas manquer de générer des difficultés d’interprétation, difficultés auxquelles – on l’espère – l’arrêt rendu par la deuxième chambre civile le 9 janvier 2020 mettra un terme.
Ayant confié à plusieurs entrepreneurs la réalisation de travaux de construction de lots vendus sous le régime de la vente en l’état futur d’achèvement, une société a été assignée devant le tribunal de grande instance par le syndicat des copropriétaires qui se plaignait de désordres. Par ordonnance du 27 janvier 2015, le juge de la mise en état a rejeté l’exception de nullité de l’assignation introductive d’instance soulevée par la société défenderesse. N’entendant pas à en rester là, cette dernière a de nouveau soulevé la nullité de l’assignation introductive d’instance devant le tribunal. Ce dernier n’y a cependant pas fait droit et, par jugement du 9 septembre 2016, l’a déclarée irrecevable, avant de la condamner, ainsi que son assureur, au paiement d’une somme d’argent au syndicat des copropriétaires.
Appel de ce jugement a été interjeté et la cour d’appel a finalement prononcé la nullité des assignations introductives d’instance. Pour parvenir à cette solution, elle a retenu que c’est uniquement lorsqu’en statuant sur une exception de procédure, le juge de la mise en état met fin à l’instance, que son ordonnance est revêtue de l’autorité de la chose jugée : l’ordonnance du 27 janvier 2015 susvisée ayant rejeté l’exception de nullité, elle n’avait pas mis fin à l’instance et n’était donc pas revêtue de l’autorité de la chose jugée. Cette lecture de l’article 775 du Code de procédure civile, qui a eu, un temps, les faveurs de la Cour de cassation (Cass. 2e civ., 2 févr. 2012, n° 10-25071, D ; Cass. 2e civ., 13 mars 2008, n° 07-11384 : Bull. civ. II, n° 68), conduit à distinguer les ordonnances du juge de la mise en état non au regard de leur objet, mais de leur effet.
À juste titre selon nous (v. notre note ss. Cass. 2e civ., 18 avr. 2019, n° 17-21189 : Gaz. Pal. 23 juill. 2019, n° 358c5, p. 54), la Cour de cassation est toutefois revenue sur cette interprétation : toutes les ordonnances des juges de la mise en état statuant sur des exceptions de procédure sont désormais revêtues de l’autorité de la chose jugée, peu important leur effet (Cass. 2e civ., 23 juin 2016, n° 15-13483, PB ; égal. Cass. 1re civ., 16 mai 2018, n° 16-24306, D).
L’arrêt rendu le 9 janvier 2020 le rappelle à nouveau, en précisant de manière très claire qu’il résulte de l’article 775 du Code de procédure civile que « les ordonnances du juge de la mise en état statuant sur une exception de procédure ont autorité de chose jugée, qu’elles mettent ou non fin à l’instance » ; cette solution vaut également pour les incidents de nature à mettre fin à l’instance. C’est donc sans surprise que l’arrêt rendu par la cour d’appel a été censuré.
La réforme opérée par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 ne devrait pas conduire à remettre en cause cette solution. Au contraire, elle devrait être étendue à l’hypothèse où le juge de la mise en état statue sur une fin de non-recevoir sans pour autant mettre fin à l’instance (CPC, art. 794). Les choses sont désormais clarifiées, ce dont on peut se réjouir !