Une marque consistant en une couleur appliquée sur la semelle d’une chaussure ne relève pas de l’interdiction d’enregistrement des formes
Pour les étudiants en
Droit de la propriété intellectuelle
Ce qu'il faut retenir :
Une marque consistant en une couleur appliquée sur la semelle d’une chaussure ne relève pas de l’interdiction d’enregistrement des formes. En effet, une telle marque n’est pas constituée « exclusivement par la forme » au sens de la directive sur les marques.
Arrêt de la CJUE du 12 juin 2018, affaire C‑163/16
► Faits
M. Louboutin et Christian Louboutin SAS créent et produisent des chaussures à talons hauts pour femmes, qui ont pour particularité d’avoir la semelle extérieure (de la chaussure) systématiquement revêtue d’une couleur rouge. La chaussure ne fait pas partie de la marque mais a pour but de mettre en évidence l’emplacement de la marque.
Le 28 décembre 2009, M. Louboutin a présenté une demande d’enregistrement de marque Benelux auprès de l’Office Benelux de la propriété intellectuelle, laquelle a été enregistrée le 6 janvier 2010.
En 2010, M. Louboutin a enregistré cette marque au Benelux pour la classe « chaussures », puis, à compter de 2013, pour la classe « chaussures à talons hauts ».
La société Van Haren exploite aux Pays-Bas des commerces de détail de chaussures, qui en 2012, a vendu des chaussures à talons hauts pour femmes, dont la semelle était revêtue d’une couleur rouge.
Le 27 mai 2013, M. Louboutin et sa société ont saisi les juridictions néerlandaises afin de faire constater que Van Haren s’était rendue coupable d’une contrefaçon. Van Haren affirme que la marque en question est nulle.
► Procédure
● Le 17 juillet 2013 : la juridiction interne rend un jugement par défaut, par lequel elle a fait partiellement droit aux demandes de Christian Louboutin.
Le tribunal a considéré que la marque en cause était indissociablement liée à une semelle de chaussure. La juridiction s’interroge sur le point de savoir si, selon la directive, la notion de « forme » est limitée aux seules caractéristiques tridimensionnelles d’un produit (telles que les contours, la dimension et le volume) ou si elle vise également d’autres caractéristiques, comme la couleur.
► Solution de la Cour
La Cour considère qu’en l’absence de toute définition dans la directive de la notion de « forme », la détermination de la signification de ce terme doit être établie conformément au sens habituel de celui-ci dans le langage courant. La Cour relève qu’il ne ressort pas du sens usuel de ce terme qu’une couleur en elle-même, sans délimitation dans l’espace, pourrait constituer une forme. De plus, si la forme du produit ou d’une partie du produit joue un rôle dans la délimitation de la couleur dans l’espace, il n’est toutefois pas possible de considérer qu’un signe est constitué par cette forme lorsque ce n’est pas celle-ci que l’enregistrement de la marque vise à protéger, mais seulement l’application d’une couleur à un emplacement spécifique du produit.
En l’espèce, la marque ne porte pas sur une forme spécifique de semelle de chaussures à talons hauts, la description de cette marque indiquant expressément que le contour de la chaussure ne fait pas partie de la marque, mais sert uniquement à mettre en évidence l’emplacement de la couleur rouge visée par l’enregistrement.
La Cour ajoute qu’un signe, tel que celui en cause, ne saurait, en tout état de cause, être considéré comme étant constitué « exclusivement » par la forme lorsque l’objet principal de ce signe est une couleur précisée au moyen d’un code d’identification internationalement reconnu.