Comment réussir sa première année de droit ? (témoignage d’un enseignant)
Pour les étudiants en

L’heure de la rentrée a sonné et tu t’apprêtes à commencer tes études de droit ? Ca peut faire peur. Mais pour te rassurer et te donner toutes les clés pour réussir, on a posé quelques questions à Alexis Buixan Docteur en Droit Public (IDPSP) (Spécialités : Droit Constitutionnel, Théorie de l’État) Enseignant-chercheur contractuel à l’Université de Rennes / Sciences Po Rennes.
Quelles sont les pièges et erreurs à éviter quand on rentre en 1ère année ?
Les pièges à éviter sont souvent liés à l'image que l'on se fait de "la faculté de droit" ou aux a priori au sujet de la discipline juridique. Je m'explique. On pense que "le droit, c'est apprendre par cœur". C'est erroné : apprendre bêtement un cours n'a jamais conduit à des excellentes notes. Le "par cœur" ou le "bachotage" est sûrement le pire ennemi de l'étudiant en droit. Il est évident qu'il faut maîtriser parfaitement son cours (le lire ne suffit pas tout comme l'apprendre : il faut le comprendre !). Dans la plupart des matières, on n'exige pas de la récitation (c'est ce qui est en gros demandé au lycée), mais une problématisation, une réflexion, une analyse. Qu'il s'agisse d'une dissertation ou d'un commentaire d'arrêt/de texte, il faut répondre à un problème de droit ; ce qui est donc évalué, c'est la capacité à "prendre de la hauteur", à mobiliser à bon escient ses connaissances pour les mettre au service d'un raisonnement. On pense que "le droit se réduit au droit civil/droit de la famille". C'est également erroné : tout le long de leur cursus, les étudiants vont découvrir une diversité de matières dont ils n'ont jamais entendu parler. Il est attendu d'eux qu'ils ne les négligent pas car une bonne compréhension d'une matière les aidera pour bien en cerner une autre. Du droit pénal au droit constitutionnel, aux libertés fondamentales au droit de l'environnement, l'objectif étant qu'à la fin de son cursus universitaire, l'étudiant se soit forgé une culture juridique dense et plurielle.
De plus, la Faculté est un espace opportun pour tester sa maturité et sa motivation. Pour certains étudiants, c'est la période des 1res fois : 1re fois sans vivre chez les parents, 1re fois à l'université, nouvelle discipline etc. Toutes ces nouveautés nécessitent de s'adapter, de s'acclimater voire même de s'acculturer très vite pour ne pas se laisser submerger par les contraintes, par l'angoisse et par le temps qui s'écoule. La liberté dont ils doivent faire l'apprentissage est une chance, mais elle peut aussi être un piège (nombres d'étudiants privilégient parfois les relations sociales, la fête et le dilettantisme au risque de négliger le sérieux que supposent des études de droit). Sans compter que la massification universitaire et le rythme scolaire s'accompagnent de marqueurs culturels propres à l'enseignement supérieur totalement inconnus dans le secondaire (cours en amphithéâtre de 3h voire 4h - ce qui nécessite un effort de concentration non négligeable, groupes de TD parfois plus nombreux qu'une classe de terminale, dépersonnalisation des étudiants aux yeux de l'administration et des enseignants). Bref, tous ces éléments peuvent paraître déroutants ; les étudiants sont tenus de les intégrer et de s'en accommoder pour gagner en aisance.
Quels sont les attendus ?
- Force de travail exercée avec sérieux et continuité : on compare parfois une L1 de droit avec un L1 de médecine ou une année d'hypokhâgne. Je pense que ce parallèle n'est pas excessif. Le cursus juridique nécessite de travailler. Pas forcément beaucoup, mais avec sérieux et en continu. Les cours sont souvent très denses : entre 70 et 100 pages... les Td à préparer, le travail à rendre, les galops d'essai, puis les partiels. Tout cela contenu parfois sur 12 semaines en 1 semestre. Multiplier par le nombre de matières. Il ne faut pas se laisser submerger. D'où la nécessaire continuité.
- Rigueur : il faut éviter d'apprendre "superficiellement" son cours. Les concepts, les mots, le lexique ont un sens précis, leur utilisation n'est pas approximative. Plus on maîtrise la logique interne d'un cours, les enchaînements des idées évoqués en cours, plus on saura se l'approprier et en puiser toutes les richesses pour réaliser les exercices imposés. Bref, cela signifie qu'il ne faut pas apprendre "bêtement" un cours. Il faut en cerner les subtilités.
- Persévérance : avant de devenir avocat, juge ou un autre métier du monde juridique tout aussi noble, la route est longue. Il ne faut pas se décourager. Une mauvaise note et un semestre non validé conduisent certes à de la déception (c'est compréhensible, normal et sain), mais celle-ci doit être surmontée en se remettant en question et en s'interrogeant sur les erreurs commises pour ne pas les reproduire.
- Curiosité intellectuelle : à titre personnel, ce qui m'a sauvé c'est la curiosité intellectuelle. Épouser un cursus juridique, c'est vouloir comprendre le monde qui nous entoure, c'est s'interroger, se questionner. Pour cela, la lecture est la plus belle des armes pour mener ce travail de décryptage. Il ne faut pas hésiter à lire des articles de doctrine, à se passionner pour tel ou tel aspect d'une matière. C'est d'ailleurs la meilleure manière pour enrichir une culture juridique et se différencier de ses camarades. Cette curiosité intellectuelle est d'ailleurs le meilleur remède contre un écueil largement répandu : être trop scolaire.
- Savoir être : gagner en maturité, se forger une personnalité, avoir la soif d'apprendre et de se cultiver, rester humble.
Comment bien réviser ses partiels de droit ? Existe-t-il une méthode particulière ?
Il faut travailler continuellement tout le long du semestre. Ne jamais réviser à la dernière minute. Éviter de procrastiner. Faire des fiches si besoin (ce qui n'est pas indispensable : une "fiche" est souvent le résumé d'un cours, qui est lui-même le résumé d'un manuel et, en fin de compte, l'étudiant ne retient plus grand chose de son cours). S'entraîner à faire des annales, des plans de dissertation, des commentaires d'arrêt.
Quelle est l’importance des tds ?
Ils sont en effet très importants. Il faut venir en TD en l'ayant préalablement préparé et se saisir de ces séances de TD pour participer à l'oral. Plus on travaille son TD en amont, plus on est en mesure de participer ; ce qui est pratique pour avoir le sentiment que la séance se déroule rapidement, pour progresser et se voir corriger ses erreurs par le chargé de TD. Une séance de TD n'est pas un cours magistral bis, elle repose majoritairement sur la mobilisation et l'investissement des étudiants. Elle est souvent animée par un doctorant ou un docteur enseignant chercheur soucieux de constater la progression de ses étudiants. C'est une chance dont il faut se saisir.
Peux-tu nous donner des éléments qui rassurent ?
1/ On ne joue pas sa vie sur un partiel ou sur un devoir surveillé
2/ Il ne faut jamais se rendre malade pour ses études
3/ Le personnel de l'université et les enseignants ne vous veulent que du bien
4/ Tirez le meilleur de vos études, pour votre avenir ou même simplement pour votre culture générale.
Vous travaillez d'abord pour vous (pas pour vos enseignants ni pour vos parents etc.)
Doit-on prendre des notes ?
Bien évidemment ! La prise de note est cruciale ; d'où la nécessité d'assister aux cours magistraux. D'une part, il faut avoir sa propre prise de note et ne pas compter sur ses camarades pour qu'ils vous envoient leur cours. Chacun prend le cours en note à sa manière : vous aurez toutes les difficultés à vous approprier un tapuscrit dont vous n'êtes pas l'auteur. D'autre part, il est assez coutumier que les enseignants à la Faculté de droit aient un débit de parole assez rapide. Il faut donc vite s'y faire car personne n'osera interrompre un enseignant en cours magistral pour qu'il répète... À l'heure où la majorité des étudiants prennent le cours en note à l'aide d'un ordinateur, gardez-vous de prendre TOUT en note, vous n'êtes pas des dactylographes. Il faut très vite savoir faire la distinction entre le principal et l'accessoire.
Doit-on faire un croix sur sa vie sociale ?
Absolument pas ! Ce choix serait une grave erreur car la réussite dépend d'un équilibre subtil entre l'investissement dans ses études et son bien être personnel (il est indispensable d'être attentif à sa santé mentale). Je conseille de continuer à entretenir des loisirs, un goût pour la culture (aller au cinéma, à des concerts, au théâtre, à des expositions etc.), faire du sport, ou même simplement sortir entre amis, faire la fête, avoir des relations amoureuses et sexuelles etc.
Il n'y a rien de pire que d'observer un étudiant qui n'a que le droit dans sa vie (quid lorsqu'il subit un revers ? une mauvaise note ? C'est la dépression totale !). Sans compter que ça risque de faire de lui un futur juriste obtus, légèrement inculte, inapte socialement et relativement ennuyeux.
Sans compter qu'il est toujours utile, nécessaire et rassurant de se faire un petit groupe d'amis pour s'épauler, s'aider et s'encourager.
On peut aimer le droit, trouver la discipline intéressante voire même passionnante ; mais, il ne faut absolument pas réduire sa vie, voire même son identité personnelle, à son cursus universitaire. La vie sociale et le monde sont bien plus vastes que cela.
Comment as-tu vécu ta première année de droit ?
Dans l'ensemble, je l'ai vécu correctement. Bon, j'avoue : j'ai énormément travaillé. J'ai surtout eu un coup de cœur pour le droit constitutionnel grâce au Professeur qui dispensait le cours, qui est devenu 5 ans après mon directeur de thèse... Preuve que la passion pour une matière tient simplement à une rencontre, à une alchimie et une affinité intellectuelle ; tout ce qui ne se décide pas par avance ni se décrète. J'ai eu la chance de "choper le virus" et d'aimer le droit. Mais, je suis plutôt passionné par les sciences sociales dans un sens général (la sociologie, l'histoire, la littérature, les sciences politiques etc.); j'ai donc vraiment pris du plaisir à partir du Master et encore plus en Doctorat.
Et si tu veux avoir toutes les clefs pour réussir ta première année tu peux te procurer l'ouvrage "En route pour ma 1re année de droit" de Mouna Mouncif-Moungache publié aux éditions Gualino.